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Vendredi 8 août 2025 La Roque d’Anthéron Parc du Château de Florans 18h
Il y a quarante-cinq ans, dans la lumière dorée d’un été provençal, naissait au parc du château de Florans un rendez-vous unique : quelques pianos, un public curieux, et la magie opéra. Depuis, le Festival de La Roque d’Anthéron a grandi sans perdre son intimité.
Vendredi 8 août, chaleur torride — 36 °C — et impatience palpable pour le récital du pianiste canadien Ryan Wang, 17 ans à peine. Découvert en 2022 lors de sa victoire au Concours Samson François, il accumule depuis les distinctions (BBC Young Musician 2024, plus jeune lauréat du 30 under 30 de Classic FM) et a déjà gravé un disque des 24 préludes de Chopin salué pour sa sensibilité.
Programme du soir : Chopin intégral. Les Mazurkas op. 59, un peu précipitées et appuyées, trahissent une tension compréhensible. Mais dès la Ballade n° 4, l’aisance revient : clarté cristalline, narration fluide, moments suspendus d’une beauté rare. Wang allie moyens pianistiques impressionnants et sens poétique, jouant avec une palette infinie de couleurs et un rubato d’une grande souplesse.
La Sonate n° 2 en si bémol mineur frappe par son intensité : passion, limpidité, nuances, mise en valeur des voix intérieures avec une technique souveraine.
Puis viennent les Variations sur « Là ci darem la mano » — Chopin, dix-sept ans, saluant Mozart avec insolence et admiration. Wang s’y livre avec éclat : gammes fulgurantes, traits étincelants, contrastes ciselés.
En bis, une Lettre à Élise jazzée, légère et souriante, referme la soirée sur une note de fraîcheur.

La Roque d’Anthéron – Vendredi 8 août 21h Parc du Château de Florans
Deux semaines après un concert de musique de chambre à Menton avec Renaud Capuçon et Kian Soltani, où il semblait légèrement en retrait, Mao Fujita se présente seul au piano à La Roque d’Anthéron. Cette fois, aucune réserve : son jeu se déploie sans filtre.
Il modifie le programme initial et ouvre avec les 24 Préludes op. 11 de Scriabine, qu’il vient d’enregistrer chez Warner. Ces miniatures révèlent une virtuosité raffinée et un sens magistral des couleurs. Le sol majeur évoque Chopin avec une grâce naturelle, le n°14 en mi bémol mineur éclate en cascades d’accords puissants mais jamais écrasants, et le ré mineur final, tumultueux, prend des allures de souffle symphonique.
Les Variations sérieuses de Mendelssohn, en deuxième partie de programme, auraient pu faire une ouverture idéale. Fujita les aborde avec clarté et précision, mais aussi profondeur et intériorité. Ici, la technique irréprochable sert une intelligence musicale rare, dénuée de toute affectation.
Après l’entracte, place au romantisme allemand. La Sonate n°1 de Beethoven jaillit comme d’une source mystérieuse : Fujita, presque effacé, laisse la musique parler à travers lui. L’Albumblatt de Wagner, aux accents schumanniens, et les Douze Variations sur un thème original d’un jeune Alban Berg s’inscrivent dans la même délicatesse. Enfin, la Transfiguration d’Isolde dans la transcription de Liszt conclut la soirée : nuances infinies, douceur suspendue, densité intacte.
Un récital qui confirme que Fujita ne se contente pas de jouer les notes : il en fait résonner l’âme.