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Photo @ Dominique Jaussein
L’Opéra de Nice programme pour la fin de la saison “Carmen” de Georges Bizet un des opéras les plus joués au monde. 220 productions comptabilisées par le site de référence Operabase pour la saison 2024-2025. On commémore le 3 juin le 150 ème anniversaire de la mort de Georges Bizet. Il décède à 37 ans, d’une crise cardiaque deux mois pile après la création de Carmen. C’est Daniel Benoin qui signe la mise en scène à Nice. Loin des costumes traditionnels et de l’Espagne folklorique du XIXe siècle, il place l’action dans la Séville de juillet 1936, au début de la guerre civile d’Espagne. Il fait de Don José un soldat des troupes franquistes, qui viennent de prendre la ville, tandis que Carmen appartient à une bande de gitans partisans qui pratique la contrebande d’armes en faveur de l’armée républicaine. La transposition tient la route. A la transgression morale et sociale que constitue la relation amoureuse entre ces deux personnages s’ajoute donc une opposition politique radicale : chacun d’eux appartient à des camps politiques qui se déchirent sans pitié lors d’un conflit qui fera un million de morts en trois ans. Mais quelle que soit l’époque où l’intrigue est transposée, la passion comme la haine, l’attirance comme la répugnance, tout est sublimé par la musique de Bizet.
“Toréadors, en garde !”, “L’amour est un oiseau rebelle”, “Près des remparts de Séville”, autant d’airs qui sont devenus aujourd’hui de véritables “tubes”, connus de tous, des grands amateurs d’opéra aux néophytes.
La distribution vocale est exceptionnelle.
La mezzo-soprano roumaine Ramona Zaharia incarne Carmen. Elle impressionne par sa voix d’une richesse stupéfiante, intense ferme et large, pleine de caractère où chaque note vibre d’une sensualité farouche. Sa présence scénique est inégalable On comprend qu’elle fasse tourner les têtes, à commencer par celle de Don José personnifié par Jean-François Borras, un des meilleurs ténors français actuels. Fou d’amour et de jalousie, violent à la fureur explosive, il trouve dans ses accès de colère des couleurs sonores foudroyantes.
Le baryton Jean-Fernand Setti campe le personnage d’Escamillo. Son physique de géant est imposant. Sa tessiture veloutée est poignante.
La soprano Perrine Madoeuf est une Micaela émouvante de douceur et de délicatesse.
On est heureux de retrouver la voix de bronze du baryton basse Guilhem Worms dans le rôle de Zuniga. Il est à l’aise dans tous les répertoires et est en plus un acteur fabuleux.
Ils sont entourés de cinq chanteurs lyriques non moins talentueux.
Charlotte Bonnet est une Frasquita au timbre sonore et brillant, Lamia Beuque une Mercedes pleine d’énergie. Jean-Gabriel Saint-Martin dans le rôle du Dancaire et Nestor Galvan dans le rôle du Remendado (les contrebandiers) sont très attachants. Richard Rittelmann est brillant dans le rôle du brIgadier Morales. Les chœurs impeccables dirigéspar Giulio Magnanini entonnent les chants avec une puissance collective qui explosent dans les scènes de foule. Le Chœur d’enfants de l’Opéra de Nice ajoute une innocence troublante. La scénographie, avec des vidéos créées par Paulo Correia centrent le spectateur sur une sélection d’images, de documentaires ou de symboles, comme des pétales de fleurs, comme la présentation du drame, du destin et des temps. L’Orchestre Philharmonique de Nice est flamboyant. Il semble porté par la direction magnétique de son chef principal Lionel Bringuier dont la fougue n’a d’égale que la précision. Entièrement habité par cette tragédie, il dirige Carmen comme s’il s’agissait d’une symphonie de feu et de cendres. L’Opéra de Nice rend hommage à Jean Pierre Laporte qui a signé les décors. Au baisser du rideau, après la mort poignante de Carmen gisant sur le devant de la scène, la salle comble explose en applaudissements et en ovations. Une Carmen pour notre époque, qui rappelle que l’opéra, loin d’être figé dans le passé, peut encore brûler du feu du présent.
Photo @ Dominique Jaussein